dimanche 1 février 2009

Le monde arabe face à la situation à Gaza : silence et impuissance


Impuissance pour les uns, indifférence pour les autres : le silence des pays arabes face à ce qui se préparait à Ghaza est aussi douloureux que le crime israélien lui-même. Ce silence est également révélateur d’un monde qui se montre, non seulement incapable d’influer sur le cours de sa propre histoire, mais se retrouve, désormais, dans l’incapacité de freiner sa propre dérive.

A Ghaza, le crime se préparait publiquement. Les Israéliens n’ont strictement rien caché. Il faut reconnaître qu’ils avaient bien préparé le terrain. L’embargo contre Ghaza avait fini par lasser les militants les plus opiniâtres, et le monde s’était détourné des malheurs des habitants de cette région du monde. Israël avait imposé cette image du palestinien assiégé, isolé, mis sous embargo, soumis à de multiples pressions et aux pires marchandages ; une image qui ne choquait plus personne, en fin de compte.

Victoire psychologique pour Israël

Cette victoire psychologique ouvrait aux Israéliens la possibilité de passer à une étape supérieure. Ils l’ont préparée de manière ouverte, ne maintenant le suspense que sur l’heure du crime. Ont-ils informé l’Egypte, comme le rapporte la presse israélienne, ou bien ont-ils gardé le secret, comme l’affirment les officiels égyptiens ? Toujours est-il que le doute ne sera jamais levé. D’une manière ou d’une autre, les Israéliens ont joué un sale tour à l’Egypte qui n’arrivera jamais à convaincre de sa bonne foi.

Mais est-ce important aujourd’hui ? Que ferait autrement cette Egypte ? Dénoncer peut-être. Menacer. Mais sa réaction n’irait guère plus loin, car c’est un pays qui a été non seulement défait, mais qui a accepté sa défaite. C’est le plus dur. Car une défaite peut être surmontée. Mais admettre la défaite pousse à la résignation, puis à une volonté d’accepter l’inacceptable. Parce que se rebeller constituerait une « aventure » incertaine.

L’Egypte piégée

Ceci ne concerne pas uniquement l’Egypte, mais c’est valable pour l’ensemble des pays arabes. Ceux-ci ont perdu toute capacité d’agir, de prendre l’initiative ou d’anticiper. Plus que leur silence, c’est donc leur impuissance, individuelle et collective, qui devient un handicap majeur.

Dans une telle situation, il ne sert plus à rien de faire la différence entre des peuples arabes, supposés solidaires et engagés, et des pouvoirs défaits, défaitistes, se résignant à accepter ce que leur imposent les autres. Cette ligne de démarcation ne tient plus. Les peuples eux-mêmes sont aujourd’hui défaits et la résignation commence à les gagner. D’autant plus que des forces autrement plus puissantes et mieux organisées agissent pour les maintenir en l’état, alors qu’eux-mêmes gardent, dans le meilleur des cas, des schémas de mobilisation et d’organisation d’un autre temps.

Lutte absurde

Les Palestiniens eux-mêmes n’ont pas échappé à cette descente aux enfers. Pris dans une spirale destructrice, ils se sont engagés dans une lutte absurde qui les a largement détournés du front principal, en fait, le seul. La veille du crime israélien, un dirigeant du Hamas se baladait à travers les chaînes de télévision du monde entier pour dénoncer les agissements des services spéciaux palestiniens ! Pendant que les vrais services de renseignements, ceux d’Israël, se frottaient les mains, en préparant leur agression, les dirigeants du Hamas et ceux du Fatah étaient pris dans une polémique dévastatrice.

Est-il opportun de remuer le couteau dans la plaie, en rappelant ces dérives dans des moments aussi dramatiques, alors que les Palestiniens ont d’abord besoin d’aide et de solidarité ? Peut-être pas. Personne ne met en cause la combativité des Palestiniens, la vitalité de leur jeunesse, la volonté de combattre qui anime ce peuple, encore moins l’esprit de sacrifice qui l’anime.

Mais en réalité, les Palestiniens se trouvent exactement dans la même situation que les pays arabes. Alors qu’ils présentent un capital de mobilisation exceptionnel, ils sont, eux aussi, réduits à l’impuissance, en raison des déficits politiques et d’organisation. Leurs dirigeants ne semblent plus en mesure de prendre la distance nécessaire pour discerner l’ennemi de l’allié, et de fixer des priorités. Le résultat obtenu est, en fin de compte, dérisoire face aux sacrifices consentis.

Silence arabe ? Complicité ? Indifférence ? Peut-être y a-t-il un mélange de tout cela, ce qui a facilité le crime israélien.

Les Palestiniens doivent, désormais, en tenir compte. C’est un élément de la lutte. Personne ne les appuiera. Ils doivent l’admettre, une fois pour toutes. Comme ils doivent admettre que l’unité nationale est une arme décisive de leur lutte, et non un slogan de propagande.